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Interview Fatoumata KANE - Mondo e Missione


1 Quelles sont les particularités du féminisme africain : pourquoi est-il différent de celui d’Occident ?


Le féminisme est la lutte sociale contre les inégalités fondées sur le sexe. En Afrique, l’approche féministe consiste à préserver les femmes non seulement de toute injustice, mais surtout à rechercher les voies et moyens acceptables pour son épanouissement dans son environnement socioculturel. Cela implique évidemment le rejet pur et simple de certaines pratiques séculaires qui accablent les femmes africaines, mais cette démarche doit être faite dans les règles de l’art, sans violence, mais avec élégance et intelligence en amenant les hommes à être partie prenante de cette évolution.

Le danger est, dans la généralisation des maux dénoncés et la stigmatisation indue. Le féminisme en Afrique ne peut pas avoir culturellement la même approche que celle menée en occident; toutes les femmes africaines ne se sont pas malheureuses. Le meilleur acte féministe en Afrique est de lutter pour l’accès sans condition des filles à l’éducation, c’est l’alphabétisation et la formation des femmes, c’est la rémunération juste de leur travail, quel qu’il soit, qui pourra leur offrir un pouvoir d’achat et une indépendance financière.

La lutte pour le changement de certaines lois discriminatoires comme la polygamie ou d’autres aberrations comme la reconnaissance à l’homme de ‘corriger sa femme’ est également à l’ordre du jour.


2 Le concept d’émancipation : est-il différent en Afrique par rapport à l’Occident ?


Bien entendu, le concept d’émancipation est différent. Les Occidentales ont pris beaucoup de liberté depuis les années soixante-dix, surtout par rapport à leur liberté sexuelle et leur affranchissement total du joug masculin. En Afrique, nous en sommes encore à défendre les intérêts primordiaux, telle la lutte contre la violence physique et morale, l’indépendance financière, l’acquisition de la responsabilité civile et le rejet de la vie sous tutelle du conjoint. Nous en sommes encore au stade de la lutte pour la survie psychique primaire.



3 Dans quelle mesure, de son point de vue, la valorisation de la femme en Afrique exige-t-elle un détachement de la tradition ?

Les femmes africaines ne sont pas vraiment décidées à rompre avec l’essentiel des traditions. Elles y sont culturellement attachées et c’est le contraire qui devrait être étonnant. Toutes les traditions ne sont pas contre l’épanouissement des femmes. Comme je l’ai déjà écrit, les femmes africaines sont dans une approche d’ouverture et d’enracinement. Elles doivent s’autoriser à évoluer et à prendre de l’extérieur, ce qu’elles estiment être des facteurs de développement potentiel tout en préservant les valeurs essentielles qui sont le socle de leur identité authentiquement africaine.



4 Est-il vrai que, en certains cas, les femmes africaines ne demandent pas à avoir un rôle différent dans la société, mais demandent la reconnaissance du rôle social qu’elles vivent déjà ?


Nous rencontrons effectivement des femmes qui ne demandent rien à personne et qui s’estiment heureuses et épanouies dans leur milieu social. Nous ne pouvons que nous réjouir pour elles. Ce n’est hélas pas le cas de la majorité, mais il faut être conscient que l’on ne peut pas lutter pour quelqu’un contre sa volonté, d’où l’importance de l’instruction, de l’accès à la formation et à l’information. Si nous prenons le cas de l’excision qui rend la plupart de nos sœurs occidentales totalement horrifiées, les Africaines excisées ne sont pas toutes frigides et frustrées. La pratique de l’excision est à condamner avec la plus grande fermeté, mais la plupart des Occidentales ignorent que cet acte est posé dans un contexte traditionnel pas forcément mal intentionné qui exige également la circoncision des garçons. Le problème est que la différence anatomique fait que malheureusement les conséquences peuvent être dramatiques pour les femmes, même si nous savons que des garçons ont également perdu la vie des suites de circoncision.

Il y a des sociétés où aucun homme n’épouserait une femme non excisée et aucune femme ne se marierait avec un homme qui n’est pas circoncis. La solution n’est certainement pas seulement dans la mise en place de lois, la solution se trouve dans la formation des femmes, dans des techniques de communication efficace avec des femmes et des hommes formés et avisés.


5 Pourquoi l’émancipation des femmes africaines est-elle synonyme de développement de la société en général ?


L’émancipation qui est l’acte de s’affranchir d’une tutelle, d’une autorité, d’une aliénation, ne peut qu’être synonyme de développement personnel et dans le contexte d’un mouvement social en faveur des femmes, il devrait effectivement être le levier d’un développement intellectuel formidable et donc un moteur pour toute la société. Tout affranchissement est porteur de développement et de transformation de la société. Je pense que nous sommes sur la voie et qu’une prise de conscience collective est déjà un pas de géant qui doit être soutenu et accompagné par une politique de renforcement des capacités des femmes et une vision non pas simpliste des problèmes majeurs, mais une approche globale qui tient compte des véritables aspirations et besoins des femmes africaines dans l’idée non de les sortir brutalement du lourd poids du faisceau social qui les accable, mais de leur donner tous les outils qui peuvent leur permettre de faire un travail objectif, crédible et fiable sur du long terme.


Entretien - Chiara ZAPPA et Fatoumata KANE – janvier 2010





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